La Fabrication de Tambours

A - Audrey Isaac
B - Bernard Jerome

B - Les peaux tannées commercialement contiennent des produits chimiques, des additifs, et vous savez, ils paraissent bien, tu vas avoir un tambour qui sera beau. Mais il s’usera beaucoup plus rapidement, si tu l’utilises lors des cérémonies, tu sais il se fait frapper beaucoup. Nos tambours durent plus longtemps. 
A - Et j’imagine que ce serait toxique d’utiliser des produits chimiques. 
B - Oui parce qu’ils sont conçus afin de brûler les excès de gras et ils sont aussi conçus pour brûler les poils. Ce sont des produits toxiques, des liquides qui sont utilisés pour accomplir cela. Je ne sais pas exactement quelles sortes de toxines ils utilisent, mais je sais que c’est quelque chose qui brûle les excès de gras et qui élimine les poils. Ça peut contenir des acides ou des choses du genre. 
A - Qu’est-ce que tu fais pour préparer le bois, quelles sortes de bois utilises-tu pour préparer le cadre? 
B - On utilise du frêne. On extrait des languettes qu’il faut plier. Pour faire cela, on passe le bois à la vapeur et on a des moules. Il faut passer le bois à la vapeur pendant 10 à 15 minutes. Mais il faut travailler le bois quelques heures avant d’obtenir la languette de bois qui sert à la fabrication du cerceau. Il faut passer ça à la vapeur afin de pouvoir lui donner la forme voulue. Ensuite on le laisse sécher pendant environ 6 heures, il faut qu’il soit complètement propre pour ne pas qu’il bouge et qu’il reste intact. Pour le processus de passer le bois à la vapeur, on avait l’habitude de fabriquer des raquettes alors on sait ce qu’il faut faire. Alors le cerceau, c’est à peu près la même chose. Mais c’est surtout du frêne qu’on utilise parce que les autres sortes de bois ont différentes couches de bois, des épaisseurs différentes et la fibre du bois elle-même, alors c’est plus facile de travailler avec du frêne. Les autres bois, il faudrait les travailler d’une autre manière, il faudrait les passer à la vapeur plus longtemps. Par exemple, l’épinette. Il y a deux sortes de cadres pour les tambours que nous fabriquons. Il y a le modèle octogonal, ensuite on a des cadres de 12 côtés et de 16 côtés mais avec les cerceaux, c’est seulement un morceau. 
A - Le cerceau, c’est simplement un cercle et c’est le modèle le plus commun? 
B - Notre modèle le plus commun dans notre cas, c’est le modèle à 12 côtés parce que nous avons les scies et nous avons l’équipement pour les fabriquer, mais on peut faire les modèles en cerceau. 
A - Et maintenant que peux-tu me dire à propos du frêne noir? 
B - Oui, on utilise du frêne noir, très souvent, on utilise du frêne qui serait de deuxième ou de troisième qualité parce que si nous coupons un frêne de bonne qualité qui peut être utilisé par les gens qui fabriquent des paniers, alors on le laisse pour les gens qui font des paniers. Pour nous, c’est plus facile de travailler avec n’importe quelle sorte de qualité de bois parce qu’on le passe à la vapeur, alors la qualité du bois n’est pas si importante que ça. Du moment que la languette est coupée droite et que le grain du bois est en proportion avec notre cerceau, c’est bon. 
A - Alors vous aidez les autres membres de la communauté qui auraient besoin de frêne ou de frêne noir de première qualité. 
B - Oui, parce que je ne voudrais pas utiliser quelque chose comme ça. 
A - Et j’imagine que les gens t’apportent des peaux? 
B - Oh oui, il y a toujours des échanges. Si quelqu’un t’apporte une peau d’orignal, après ça tu lui fais un petit tambour personnel, habituellement on leur en donne un petit de 16 côtés. Je pense que c’est la tradition. Si quelqu’un prend le temps de t’apporter quelque chose, tu sais, qu’il a un bon cœur et de façon générale on récompense toujours quelqu’un, tout le monde reçoit quelque chose de ça, tu sais cette manière quand on récolte un orignal, l’orignal au complet est utilisé, tu vois, de cette manière rien n’est gaspillé à propos de l’animal. 
A - C’est magnifique. Tout le monde travaille ensemble en communauté. Dirais-tu que c’est une forme de troc? 
B - Oui, c’en est. On fait toujours ça, je pense que c’est dans notre sang, tu sais. 
A - Lorsque la peau est prête et lorsque le bois est prêt, alors il faut que tu assembles le tout. Quelle est donc ta prochaine étape? 
B - La prochaine consiste à commencer à couper la peau de l’orignal. Nous avons certaines dimensions, tu sais, les couper et ce n’est pas une procédure vraiment compliquée. On coupe un morceau qui dépasse toujours, un dépassement d’environ un pouce et demi tout autour du tambour, on a un modèle qui nous guide. Les lacets sont aussi coupés à la main, après qu’on a bien appris, c’est une procédure simple de couper nos lacets. Il y a un certain temps, on les coupait avec des couteaux à tapis ou des ciseaux très aiguisés, mais ça ne fonctionnait pas très bien tout le temps parce que les peaux peuvent être très difficile à couper, surtout des peaux d’orignaux. Mais on a développé un outil qui nous aide à couper nos lacets. Au lieu de nous prendre entre 30 et 45 minutes pour couper 30 pieds de lacets, ça nous prend maintenant environ 5 minutes pour un tambour et c’est facile à accomplir. Ce processus n’est pas très difficile et pour assembler un petit tambour à main, ça nous prend environ une demi-heure ou 45 minutes, alors le processus en soi, travailler la peau, construire ton cadre, assembler ton cadre, il y a deux étapes là, ça prend du temps, mais mettre les lacets c’est la partie la plus facile. 
A - La partie plaisante? 
B - Oui, la partie plaisante. Quand il est terminé, il faut le sabler pour qu’il devienne rond, il faut s’assurer que tout est bien fait, s’assurer qu’il n’y a pas d’échardes ou chose du genre. Je le sable pour qu’il soit uniforme et après, ça prend environ quinze minutes par cadre. Lorsque ça c’est fait, il faut le vernir pour protéger le bois et quand on verni, on a environ 3 contenants de vernis, ça prend beaucoup de temps, mais quand tu planifies bien ton temps tu peux faire autre chose alors qu’il y a des processus qui sont en cours. Alors on ne fait pas juste un cadre, on en fait à peu près une douzaine à la fois, alors de cette manière quand tu coupes un arbre, tout est utilisé et on le laisse pas sécher parce que s’il sèche il est plus difficile à travailler. 
A - Tu donnes l’impression que quand tu coupes un arbre, tu vas faire des cadres de tambour cette journée-là. 
B - Oui. 
A - Et quand tu reçois la peau, est-ce que tu vas faire sécher la peau cette journée-là. Et quand ces choses sont en préparation, est-ce que tu peux travailler à autre chose? 
B - Quelque chose d’autres, oui. 
A - Ça coule? 
B - Oui parce que quand tu fais tremper la peau, il faut l’aérer et la nettoyer pendant cinq à six jours. Il ne faut pas tremper ta peau pendant plus de six jours parce qu’après cela, elle va commencer à dégager une mauvaise odeur et tu ne veux pas que cela se produise. 
A - OK, ça va plus vite, tu peux faire différentes choses et c’est moins ennuyant? 
B - Tu fais toujours différentes choses, tu sais. Pendant qu’un processus est en marche, tu peux faire autre chose. Ça peut être des cadres, couper des morceaux ou encore lacer. Tu dois bien t’organiser et aussi bien te placer. Alors tu t’habitues au rythme et après un certain temps, ça devient automatique de faire quelque chose d’autre. 
A - Quand tu assembles ton tambour et quand tu coupes tes cercles, est-ce que tu dois tremper une certaine partie de la peau pour qu’elle s’étire au bon moment? 
B - C’est vrai, c’est la partie que j’ai oublié de mentionner parce que la peau est sèche depuis un certain temps, alors tu dois la tremper dans de l’eau tiède pendant environ 6 heures et pendant qu’elle trempe dans l’eau, tu utilises des détergents parce qu’il faut la laver. 
A - Du détergent à laver? 
B - Du détergent doux oui, parce que la peau pourrait avoir de la poussière. 
A - Oh, c’est vrai! 
B - Alors, ce processus enlève les odeurs, parfois ça peut toujours sentir et en la lavant et après 6 heures de trempage, c’est là que la peau est facilement manipulable. Et après ça quand ton tambour est terminé, ça doit sécher pendant au moins 12 heures avant d’avoir un bon son. Alors ce processus, c’est ton tambour. Alors si tu suis le cheminement de ton tambour, tu te rends compte que le tambour en a fait du chemin. 
A - Beaucoup de chemin! 
B - Ça prend beaucoup de temps. 
A - Alors si quelqu’un commande un tambour aujourd’hui, alors cette personne n’aurait pas son tambour avant trois semaines. 
B - Alors si tu commences du début, ça te prend trois semaines oui. Je dis aux gens qui veulent commander de nous avertir quelques semaines à l’avance. On a toujours ce qu’on a besoin mais ce n’est pas toujours le cas, et on reçoit nos peaux à l’automne, en septembre et en octobre. Des fois, on les gèle si on en a trop. Mais quand on commence à travailler, parfois en mai, des fois on manque de peaux, mais on prend pas toutes les peaux qui sont disponibles parce qu’il y en a deux de nous, mon fils et mon gendre qui m’aident. Il y a aussi ma petite-fille qui vient nous donner un coup de main de temps en temps. Elle avait environ 9 ans, bien elle avait 9 ans quand elle a commencé à aimer donner un coup de main. En général, nous essayons de conserver notre tradition vivante, alors on fait seulement un certain nombre de peaux par année et quand nous avons terminé, disons à la fin du printemps, alors on fait les cadres et après, autre chose. On a tellement de temps, alors on fait d’autres choses aussi. Alors, de temps en temps, on fait des cadres de tambour si ça nous tente. La majorité de notre travail se fait à la fin durant l’hiver ou à la fin de l’automne parce que les chevreuils ne sont pas disponibles, il fait noir plus de bonne heure à la fin de l’automne et c’est le temps où on travaille à nos tambours et aux raquettes le plus souvent parce que tu as du temps de plus. En plus, toi et ton jeune de 12 ans pouvez quand même pas regarder la télévision tout le temps, il faut avoir un passe-temps, ça fait partie de la vie. C’est ce qu’on aime. 
A - C’est agréable que ta famille soit impliquée. 
B - Oui, c’est intéressant parce que nous avons beaucoup de plaisir en famille, avec les enfants ou les petits-enfants et si tu as besoin d’aide, ils savent ce qu’ils doivent faire. Dans notre cas, on prépare de 20 à 25 peaux par année. C’est notre limite. Dernièrement, on a diminué nos activités parce que c’est beaucoup de travail. Quand tu regardes une peau d’orignal qui est trempé, ça pèse plus d’une centaine de livres, au moins 150 livres. Ma femme et moi, on est pas vieux, mais on commence à, on a plus vingt-cinq ans, on peut toujours soulever des choses, mais on veut pas trop en faire, mais c’est un passe-temps. 
A - Oui, s’il y avait trop de publicité, ça deviendrait trop stressant et ça enlèverait le calme que tu ressens. 
B - Non, ce serait une situation où tu sentirais que tu dois répondre à une commande et tu y penserais toujours et puis tout d’un coup tu te commercialises et ça ne signifierait plus la même chose. 
A - Exactement, en ce moment tu leur dis que c’est agréable, que ça prendra quelques semaines et on ne pose pas de questions. Si tu prépares vingt à vingt-cinq peaux par année, combien de tambours fabriques-tu approximativement durant une année? 
B - On fait beaucoup de tambours par année parce qu’ils sont essentiellement utilisés durant les cérémonies. Je dirais qu’on en fabrique entre 75 et 100 par année. 
A - Pour les cérémonies, est-ce que ce sont ceux qu’on voit sur le terrain avec des batteurs assis autour. 
B - Ça c’est des tambours de pow wow. 
A - Combien de tambours cérémoniels fabriques-tu durant l’année? 
B - On fait seulement ceux-là, ils ont des quartiers spéciaux, alors on en fabrique de 4 à 5 par année. 
A - OK, parce qu’ils sont gros. 
B - Oui et ça prend beaucoup de matériaux et le processus est plus long, notre bois est coupé avec précision. 
A - Une méthode différente parce qu’ils sont si gros. 
B - Ça prend beaucoup de temps. La quantité de bois qu’il te faut pour un tambour cérémoniel, disons un trente pouces, c’est l’équivalent d’environ 14 petits tambours à main fabriqués en bois. Quand tu analyses la quantité de peau qu’il te faut, c’est à peu près l’équivalent de 6 petits tambours à main. Alors ça prend beaucoup de matériaux et beaucoup de temps parce que le bois doit être coupé avec précision. Ça prend aussi 35 planches de 2 pouces et demi par seize pouces qui doivent être coupé en angle. Tu sais quand une personne fait un tambour à main ou des choses comme un panier, la seule chose qui doit être calculé, c’est la masse du tambour à main et c’est plaisant parce que c’est toujours plaisant de calculer la circonférence, le diamètre, les arcs et tu trouves l’angle. C’est beaucoup de mathématique. 
A - Alors des petits tambours à mains, tu en fabriques approximativement 70 à 75 par année? C’est beaucoup. Je me demandais si quand tu es prêt à les remettre aux personnes si tu observais une tradition, si tu faisais une prière ou une purification par la fumée? 
B - Quand on sait qu’il est destiné aux cérémonies, là on le purifie par la fumée quand il est sec ou encore mouillé, ou quand il est trempé, mais les gens nous diront si c’est un tambour cérémoniel ou spirituel, si c’est comme ça que tu veux les appeler. Pour la purification par la fumée, on utilise les cinq médecines traditionnelles des Mi’gmaqs et quand il est trempé les médecines ou la fumée pénètre la peau et elle y demeure. Alors avec les médecines, on peut l’appeler un tambour médicinal, alors n’importe où ce tambour va, la médecine l’accompagne.
A - Quelles sont ces médecines? 
B - Ce sont les 5 médecines connues par les Mi’gmaq.

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Communautés: 
Gesgapegiag
Auteur: 
Audrey Isaac
Bernard Jerome donnes des instructions sur la fabrication d’un tambour.

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