Médecine
A - Audrey Isaac
W - William Jerome
A - Quel âge avez-vous et quand avez-vous commencé à avoir de l’intérêt pour la médecine?
W - J’ai 51 ans et j’ai commencé à m’intéresser à ça, il y a 8 ans.
A - 8 ans passées?
W - Oui.
A - Est-ce qu’il y a une personne en particulier qui vous a influencée envers la médecine?
W - En fait, je dois vous expliquer le contexte qui m’a amené à la médecine, à ma culture et à tout ce qui l’entoure. J’avais un problème avec la boisson, j’étais un alcoolique et je me suis rendu à un centre de traitement à Miramichi. En étant là-bas, j’ai rencontré des gens qui faisaient des choses selon les valeurs de notre culture. Lorsque mon séjour s’est terminé, je me suis intéressé à ce qu’ils faisaient et aux cérémonies de guérison. Alors par la suite, j’ai continué d’assister à d’autres cérémonies et à des Mawiomi. Il y avait des rassemblements et des cérémonies du lever du soleil et j’ai entendu les gens parler de médecines. Quand je suis allé la première fois à Eel Ground, j’ai rencontré un aîné qui m’a parlé des médecines ainsi que d’autres aînés, assis en cercle, qui m’ont parlé des médecines lors de cercles de la parole. Il y en avait un qui venait de la Nouvelle-Écosse, un autre d’Elsipogtug, un de Red Bank et un de Burnt Church. Alors, on parlait lorsqu’une femme s’est approchée en demandant d’obtenir des médecines autochtones parce qu’elle toussait. Alors, un des aînés lui a donné de la racine de lis des marais, c’est une de nos médecines pour le rhume. Et c’est comme ça que cela a commencé pour moi parce que j’étais très intéressé et les aînés qui étaient assis avec moi ont commencé à partager leurs connaissances et leurs médecines, ils ont aussi parlé d’autres médecines et j’étais intéressé à ce qu’ils me disaient. Je leur posais des questions et je n’ai rien suivi à partir d’un livre. Il y a beaucoup de livres qui ont été publiés au sujet de nos médecines autochtones et un des aînés m’a dit que je n’obtiendrais rien de ces livres, sauf qu’ils présentent de bonnes photographies. Ces livres sont publiés par des non autochtones. Il se peut que les informations obtenues l’aient été auprès des autochtones, mais ils ont essentiellement été publiés pour faire de l’argent. Nous, dans nos enseignements, on ne fait pas de profit avec ce que nous avons, de notre culture et de notre tradition, surtout avec les médecines. Si tu veux apprendre, va voir les aînés de ta communauté. Il y a sans doute une personne qui sait des choses et il te l’enseignera. Alors, je suis allé voir ma mère, âgée aujourd’hui de 90 ans. Elle m’a alors parlé de son arrière grand-père qui allait dans le bois quand quelqu’un de la famille avait une toux, une fièvre ou n’importe quelle sorte de maladie. Elle m’a dit qu’elle ne savait pour quelle maladie c’était, mais qu’on lui a dit que c’est comme ça qu’on se soignait, c’est comme ça qu’on utilisait les médecines dans la communauté parce que le médecin ne passait parfois qu’une fois par mois. En ce temps-là, les aînés faisaient leurs propres médecines. Elle m’a expliqué à propos des plantes, mais elles ne savaient pas les utiliser. C’est pour ça que j’ai beaucoup voyagé. J’ai rencontré des personnes de diverses régions, tous des aînés, et aujourd’hui, je prépare de 14 à 15 médecines différentes que m’ont enseignées les aînés de différentes régions. J’ai commencé au Maine, à Listuguj et auprès de différentes communautés autochtones. Je les ai toujours testées sur moi et je ne les ai pas données à n’importe qui parce que je n’étais pas prêt pour ça. Pourtant un jour, une femme est venue me voir. Elle avait un problème de rhume et des problèmes sanguins. Un des enseignements que j’ai reçu concerne ce qu’on appelle une « tresse d’or », j’ai appris ça à Eel River Bar. Et l’homme qui m’a montré cela m’a dit : « C’est une médecine qui est bonne pour tout. » Il a ajouté : « C’est bon pour le diabète, la haute pression et cela aide à nettoyer le corps. » Pour fabriquer les médecines, il ne s’agit pas simplement de lancer les médecines dans l’eau ou dans une marmite et de bouillir l’eau. Les enseignements nous disent que pour toutes médecines, il faut d’abord offrir du tabac quand tu les cueilles. Quand tu l’apportes à la maison, tu purifies par la fumée les bols, l’eau et les médecines tout en disant une prière et tu appelles les personnes médecines qui, il y a très longtemps, nos ancêtres esprits. J’ai commencé à préparer des médecines pour Roger qui avait un problème de reins, pendant que je la prépare, je prie et je demande aux esprits médecines, je prononce le nom de la personne. C’est la médecine dont j’ai besoin pour cette personne, c’est de cette manière que je la fais et quand elle est prête, la personne qui a préparé la médecine la boit et c’est une façon d’honorer la médecine qui a été préparée pour cette personne. Alors, je fais ça, pour toutes mes médecines, c’est comme ça, c’est l’une des plus anciennes choses à faire. J’utilise de la racine de lis des marais pour le rhume. J’ai reçu cet enseignement d’Elsipogtug, ensuite il y a la racine de sainfoin qui est bon pour traiter l’asthme, la bronchite, le mal de tête, il y a aussi le foin d’odeur, il y a plusieurs médecines à tirer du foin d’odeur. Une des médecines est une crème et si quelqu’un souffre d’eczéma, tu la mélanges avec d’autres médecines et c’est très bon. Le foin d’odeur est aussi bon à la suite d’une naissance ou durant la ménopause, pour la ménopause, il y a également les feuilles de framboises que nous utilisons. Même les branches de cèdres, certaines de ces médecines sont très toxiques et très fortes, vous devez savoir comment les préparer, mais n’importe qui peut les préparer. Tous ces enseignants sont venus à moi, toutes ces médecines sont venues à moi et j’ai commencé à m’en servir et j’ai demandé à un de mes guides, encore une fois un aîné d’Elsipogtug, il était mon enseignant et mon guide pour la danse du soleil. Je lui ai dit : « Je ne sais pas d’où viennent ces médecines, elles viennent vers moi et je sais comment les préparer. » Il m’a répondu : « Tu avais ces médecines durant toute ta vie et tu ne savais pas comment les utiliser, tu ne savais pas qui tu étais, maintenant les esprits sont tellement puissants qu’ils te disent que ces médecines sont bonnes pour toi et les gens de notre peuple. » C’est comme ça que j’ai fait. Parfois, je vais à un endroit et quelqu’un mentionne une autre sorte de médecine. Je ne vais pas ailleurs pour enseigner les médecines que je possède. Les gens les apprennent par la parole ou en participant à des cérémonies et il y a beaucoup d’autochtones dans cette communauté et j’ai même travaillé aux côtés d’un médecin un jour parce qu’il y a trop de gens qui prenaient des pilules qu’ils n’étaient pas supposés prendre. Alors, j’ai travaillé avec lui et j’ai rencontré quelques personnes que le médecin a envoyées me voir, il y avait ma propre fille et les médicaments qu’elle prenait n’étaient pas efficaces et elle ne voulait plus les prendre. Alors, le médecin lui a dit d’aller consulter son père. Je lui ai préparé des médecines et aux dernières nouvelles, elle est en pleine forme. J’ai aussi préparé des médecines pour des gens très malades, il y avait cette femme autochtone que j’aidais à guérir quand elle avait le cancer. Je ne prétends pas que toutes mes médecines permettent de guérir, la médecine de non autochtones est très efficace. Parfois, cela dépend de la personne qui les prend. J’obtiens beaucoup à partir de nos prières, de nos médecines, de notre culture et de nos manières de faire qui sont très puissantes auprès des Mi’gmaq parce qu’à la porte de l’Est, l’endroit où nous vivons, toutes nos médecines proviennent d’ici. Dans le Septième District, il y a plusieurs années, c’est ce que les gens disaient, nous avions toutes les médecines dont nous avions besoin. Et les autochtones faisaient partie de l’endroit d’où provenaient leurs médecines. Mes croyances sont basées sur tout ce qui a rapport avec mes médecines, j’ai vu des gens lors des rassemblements, on les appelle des pow wow ou des Mawiomi, il y a beaucoup de médecines en ces lieux et j’essaie toujours d’expliquer aux gens que les endroits qu’ils fréquentent : « Que veux-tu dire, quelles sortes de médecines y a-t-il en ces lieux? » Quand les autochtones sont rassemblés et qu’ils pratiquent leurs cérémonies, il y a des médecines en ces lieux. Quand tu vois une jeune femme ou un jeune homme danser en cercle lors des pow wow, ils dansent pour aider une autre personne. Parfois, si tu te retournes, tu vois un garçon, une fille ou un aîné en chaise roulante, tu sais que les danseurs dansent pour ces personnes qui sont dans leur chaise roulante. Cela amène la médecine aux aînés et ils se sentent bien. Quand ils entendent le tambour et les chants cela stimule le rythme cardiaque des gens. Ces gestes sont des médecines. Les huttes de sudation, quand tu entres dans une hutte de sudation pour nettoyer ton corps, nos communautés ont presque tout perdu ce dont nos ancêtres ont veillé à protéger, le respect de la Mère-Terre, les plantes et les autres choses parce qu’il y a tellement de choses avec les médecines. Si je t’amène pour une marche le long de la plage, en passant près de l’école qui est juste là, je te garantis qu’on trouvera entre 60 et 80 médecines. Par exemple, il y a de la médecine dans les fraises, les gens ne pensent pas que nous puissions utiliser les fraises comme médecine, mais c’est une bonne médecine à posséder. Il y a tellement de médecine sur le Mère-Terre et je n’ai jamais respecté les arbres lorsque j’étais jeune, lorsque je les coupais ou que je jetais un vieux pneu le long de la route ou que je brûlais l’herbe sans être conscient que je brûlais les médecines qui pouvaient nous guérir. C’est pour cela que l’environnement est si important pour les Mi’gmaq, nos ancêtres nous ont tellement enseigné et ils n’ont jamais rien écrit sur papier. On peut reculer à des milliers d’années de notre époque, ces médecines ont été transmises de génération en génération et aujourd’hui, nous faisons encore la même chose. Malheureusement, nous n’écrivons rien. Comme j’ai dit, j’ai reçu beaucoup d’information auprès des aînés de notre communauté, c’est important d’obtenir de l’information. Des gens m’ont dit que je devrais prendre ces médecines parce que quand je ne serai plus ici, peut-être qu’une autre personne de ma communauté ou à Listuguj voudra prendre ma place et qu’il utilisera ces médecines qui sont des enseignements importants pour nous. Il faut parler de nos médecines à nos gens, leur faire comprendre que je ne serai pas ici pour le reste de ma vie, un jour, je partirai pour le monde des esprits. Alors la prochaine personne qui entendra ça va apprendre et qu’elle commencera à préparer des médecines pour les nôtres.
A - As-tu déjà rencontré une personne, une personne plus jeune peut-être, à qui tu pourrais partager tes connaissances comme les aînés l’ont fait pour toi?
W - En ce moment, non. Toutefois, je parle de mes médecines aux enfants de cette école, ils connaissent certaines des médecines. Ils peuvent prendre une marche dans le bois de temps en temps et je leur montre les médecines. Je ne leur dis pas comment les préparer, mais ils savent où elles sont dans le bois. C’est un début. Ça va commencer, ça va commencer lentement et c’est une chose que nous faisons alors que nous tentons de ramener dans la communauté pour leur apprendre à propos de notre culture, notre spiritualité et comment préparer nos médecines.
A - Si une personne de la communauté voudrait venir te voir et te demander de l’aide à propos d’un problème de santé, qu’est-ce qu’elle devrait faire pour démontrer son respect?
W - Tout ce que je sais, je l’ai appris des aînés. Il est très important d’avoir des informations. Je vais aller voir cette personne et offrir du tabac en demandant si je peux m’asseoir. Si cette personne accepte le tabac, cela signifie qu’elle écoutera ce que j’ai à dire et elle me donnera ses bonnes intentions. J’ai reçu une petite pierre d’une personne qui n’avait pas de tabac à partager, mais cette personne avait quelque chose dans ses poches et elle me l’a offerte.
A - Un cadeau?
W - C’est dans mes poches depuis les dernières 8 années. Voici ce que c’est : une petite pierre. Cette pierre est de la médecine. Les gens se moquent de moi. J’ai plusieurs petites pierres dans mon sac de médecine. Je les porte tout le temps. Quand je dis que la médecine est présente sur une pierre, ils se mettent à rire. J’ai de mauvaises jambes et un jour j’avais besoin de médecines pour elles. Je me suis rendu aux chutes Cavanaugh. Il y avait un vieil homme assis près du feu sacré, il venait de Eel Ground. Je lui parlais de l’état de mes jambes et il m’a répondu : « À Cavanaugh, à l’endroit où tu es, va en haut à l’endroit où l’eau coule, il y a une petite chute. Entre dans l’eau et lave tes jambes. Ensuite prends une petite pierre. » Alors, j’ai pris quelques pierres et quand je suis revenu, mes jambes étaient en meilleur état. Alors je suis retourné le voir et je lui ai demandé : « Pourquoi m’as-tu fait monter là-haut? » Il a répondu; « Il y a des milliers d’années, nos ancêtres se rendaient à ce lieu. Ils lavaient leur corps dans cette eau pour enlever les maladies. L’eau qui coule est sacrée. » Les petites pierres qui tombent. Alors, il y a des gens que j’ai rencontrés à Gaspé qui participaient à une cérémonie là-bas. En fait, ils participaient à leur Mawiomi. Ces aînés n’étaient pas des autochtones. Ils sont venus et ils voulaient savoir. Il y avait cette femme qui avait des problèmes au visage en raison de son cancer. Elle avait environ 70 ans et son mari avait environ le même âge. Ils voulaient de l’aide et ils se sont mis à prier près du feu sacré. J’ai alors prié avec eux, j’ai marché avec eux autour du terrain et je leur ai offert du tabac. J’ai prié à ma manière et ils ont prié d’une manière différente, en français. Mais j’ai prié parce que la femme avait besoin de quelque chose. J’ai alors pris mon sac à médecines en sortant deux petites pierres. J’en ai donné une à la femme en lui disant : « Cette pierre provient des chutes Cavanaugh et elle est supposée te donner les forces dont tu as besoin. Cela ne te guérira pas, mais elle te donnera les forces dont tu as besoin. » Elle a pris la pierre et en la prenant dans sa main, elle s’est mise à pleurer. Alors, je l’ai remise à son mari en lui disant la même chose. Je lui ai dit : « La prochaine fois que vous aurez de la douleur, prenez la pierre dans votre main et elle vous donnera les forces dont vous aurez besoin ». Six mois plus tard, j’ai de nouveau rencontré son mari qui m’a alors dit : « Je veux te remercier pour ce que tu as fait pour moi et ma femme. Elle est décédée, 4 mois après vous avoir rencontré, mais elle a conservé sa petite pierre. » Le jour où je l’ai rencontré est la journée où l’esprit l’a emportée, elle avait alors beaucoup de forces, des forces que nous n’avons plus jamais revues. Et avant de partir, elle a dit; « Je veux emporter cette petite pierre avec moi. » C’est ce qu’il m’a dit que j’avais fait pour elle. C’est le genre de choses qu’on a parfois besoin d’entendre des autres personnes. Tout ce que tu prends de la Mère-Terre est une médecine. Je dis aux gens que cette petite pierre que je tiens dans ma main a fait couler l’eau d’une certaine manière. Il y a toujours des choses qui sont âgées de million d’années, imagine la force que ces objets ont. Il y a toujours des personnes qui pensent que mes médecines ne sont pas ce qu’elles ont. Je leur réponds que mes médecines sont peut-être « stupides », mais nous sommes ce que nous croyons, la médecine du respect envers moi-même est sans doute la plus grande médecine qu’une personne doit posséder, travailler ensemble. J’aime toujours dire aux gens que la couleur de la personne importe peu. Tu peux venir me voir et si je peux t’aider, je vais essayer de t’aider. C’est une des médecines qui est très forte et j’espère qu’un jour tout le monde aura cette médecine.
Communautés:
Gesgapegiag
William Jerome raconte comment il avait commencé a préparer des remèdes des médicinaux traditionnels.